Témoignage de Pierre MALLEZ 185 996 Résistant Turma-Vengeance

Pierre Mallez,

Etudiant HEC, il entre en résistance en début 1942 dans le groupe TURMA-VENGEANCE,

Pierre nous livre quelques unes de ses actions, en nous décrivant son quotidien de résistant.

Bien sûr nous connaissons la suite, arrestation par la gestapo, prison de Fresnes, tortures, interrogatoires puis Royallieu et Auschwitz-Birkenau.

Son premier témoignage porte sur la mise en service d’un poste émetteur:

Bonne lecture

« Au cours de l’année 1942 et du printemps 1943 se succéderont les actions les plus diverses de jour comme de nuit, mais avec la préférence de nuit pour éviter les absences aux cours.

   Il s’agit du transport de postes émetteurs radio, de la protection aux alentours pendant l’émission, du transport d’armes, de l’instruction au maniement des armes parachutées, du branchement d’écoute téléphonique sur les lignes allemandes

           Pour les émissions radio le scénario se répète de la façon suivante :

Prise de contact dans la journée avec le « pianiste » (le radio) par l’intermédiaire de Charbonneaux (Cumulo) ou d’un agent de liaison.

 – Rendez-vous le soir dans une gare de Paris avec le poste qu’il a fallu aller chercher dans sa planque variable. Je me souviens d’un dépôt chez un ingénieur de la SNCF en gare du Nord, d’un autre en gare de Noisy-le-Sec.

L’émetteur est contenu en pièces détachées dans plusieurs boîtes de pansements, ou d’instruments chirurgicaux, marquées de la croix rouge, hermétiquement fermées par du sparadrap. Le tout bien rangé dans le fond d’une trousse médicale.

 – Juste avant le départ du train : retrouver le « pianiste » sur le quai. Il assurera en principe ma surveillance. En cas de contrôle allemand je dois expliquer que je porte la trousse médicale au docteur X à tel endroit. Si le contrôle prend mauvaise tournure je dois balancer la valise et détaler au mieux. Le « pianiste » ne doit pas intervenir pour ne pas être pris.

Rien de ce genre n’est heureusement arrivé au cours de ces transports. Mais c’était toujours une sacrée aventure pleine de risques. Les Allemands fourmillaient partout, en uniforme et, plus dangereux, sans uniforme dans le métro, les gares et les trains.

 – Arrivés à pied d’œuvre, toujours en banlieue parisienne pour éviter un repérage trop rapide et pour changer de secteur à chaque émission (en espérant que deux radios différentes ne fonctionnent pas simultanément dans le même secteur – on comptait en général trente minutes de répit avant d’être repéré). Le poste était monté au domicile d’un résistant dont la famille n’était pas toujours très rassurée.

 – Lorsque le « pianiste » est prêt à commencer son émission (heure fixée d’avance) je dois assurer la surveillance du quartier. Dans la nuit je tourne autour du pâé de maisons pour voir s’il n’y a pas de camions ou de camionnettes suspects avançant à petite allure. Les appareils de repérage gonio mobiles sont souvent camouflés dans des véhicules commerciaux. Il faut aussi se méfier des tractions avant (Gestapo). Il faut à la fois être sur ses gardes et surveiller, essayer de passer inaperçu dans les rues que la nuit a rendues calmes et heureusement sombres.

 – Le temps de l’émission écoulé sans repérer de mouvements insolites je retrouve le « pianiste » qui a déjà commencé à remballer son poste en morceaux dans les boîtes à croix rouge, remet le tout dans la valise médicale, que le locataire des; ieux va cacher rapidement.

 Par mesure de sécurité je ne reviendrai prendre la valise que le surlendemain après-midi. En effet si l’émission a été localisée approximativement il peut y avoir un contrôle en gare le soir même alors que le surlendemain il y a moins à craindre.

 – Dans la journée du surlendemain je viens reprendre le poste pour l’amener chez un nouveau dépositaire. Là encore je suis couvert par quelqu’un qui me suit à vue. L’un de ces suiveurs m’a donné des sueurs froides. Plutôt tête brûlée, il manifestait sans vergogne sa haine de l’Allemand. Dans le métro il a bousculé un officier allemand qui s’apprêtait à descendre et lui a écrasé le pied avec forces excuses. Évidemment, lui, n’avait pas la valise compromettante en mains. Je n’ai pas apprécié ses manifestations de « maladresse », inutiles et risquées. Je le lui ai dit dès que j’ai pu le faire sans risque d’être repéré. »