En arrivant à Buchenwald, le convoi compte une centaine de nouveaux détenus, pour compenser ceux qui sont restés (définitivement) à Auschwitz.
L’accueil à Buchenwald est semblable à celui vécu à Auschwitz deux semaines plus tôt : coups de crosse, hurlements, morsures de chiens… Le camp, par contre, offre un saisissant contraste : pelouse bien entretenue, maisons des SS fleuries, animaux, tout cela tranche avec les sinistres crématoires que l’on venait de quitter. Les formalités d’incorporation sont rondement menées. Elles sont complétées par une radioscopie et une vaccination des détenus, car les SS veulent éviter toute épidémie qui pourrait s’étendre à leurs rangs… A l’issue, chaque détenu reçoit deux signes distinctifs à coudre sur sa veste et sur son pantalon. La bonne impression du début était trompeuse.
Après les formalités, les détenus sont parqués dans le camp de quarantaine, le « Petit Camp ». Jacques L’Hoste a laissé de celui-ci un témoignage saisissant :
« Le petit camp était en quelque sorte la cour des miracles de Buchenwald. C’est là que mouraient tous ceux qui n’avaient ni la force, ni la constitution physique pour travailler dans les Kommandos. A Auschwitz, ces malheureux auraient été immédiatement gazés, mais ici, les nazis les laissaient crever entre eux. Ils passaient leurs journées dehors, désœuvrés, attendant la mort, sans espoir d’aucune sorte. La nuit, l’entassement était ignoble, dans des baraques immondes. »
La contrainte la plus pénible est celle des appels, qui peuvent s’éterniser pendant plusieurs heures, par tous les temps. La nourriture par contre, est de bien meilleure qualité qu’à Auschwitz. Elle reste toutefois très insuffisante et les morts par malnutrition sont nombreux. Les mauvais traitements et les exécutions arbitraires aussi sont une cause de décès fréquente. Le 24 mai, un millier de Tatoués sont à nouveau déplacés. Ils quittent Buchenwald pour Flossenbürg.
Parmi les Tatoués restés à Buchenwald se trouvent 282 déportés déclarés « spécialistes », en fonction de leur métier : menuisiers ou métallos. Ils sont transférés au Grand Camp pour être affectés aux usines voisines : la Mi-Bau (fabrique de postes de T.S.F. mais aussi des appareils de goniométrie permettant de diriger les V1 et les V2) et la Gustloff-Werke (manufacture d’armes). Les autres membres du convoi restés sur place sont maintenus au Petit Camp, dans l’attente de leur transfert vers Dora (usine de V1 et V2).
En avril 1945, les survivants de cet enfer sont évacués vers Bergen-Belsen. D’autres enfin sont affectés aux usines et Kommandos dépendant directement de Buchenwald (Bochum, Eisenbahn, etc.) ou sont mutés dans d’autres camps (Sachsenhausen, Dachau, Orianenburg, etc.).
Le 24 août 1944, ceux qui sont restés au camp assistent au bombardement de Buchenwald par l’aviation alliée. Si les installations industrielles sont effectivement détruites, les déportés périssent par centaines dans ce raid. Les jours qui suivent sont particulièrement pénibles ; le camp étant privé d’eau, il y règne une puanteur putride ; en outre, il faut reconstruire avec des moyens dérisoires les usines bombardées.