L’agonie du Troisième Reich est également celle de toutes les victimes de son système concentrationnaire.
« Parmi elles, les Tatoués du convoi du 27 avril 1944 subissent les évacuations successives, les « marches de la mort » et les ultimes sévices, avant de pouvoir être enfin libérés. »
Suivant les affectations ou les camps de rattachement, les destins sont très variés. En voici quelques exemples :
Le 27 janvier 1945, vers 15 heures, les premiers groupes de reconnaissance soviétiques pénètrent à Birkenau, où ils libèrent 5.800 prisonniers des deux sexes, parmi lesquels les survivants des 77 malades du convoi du 27 avril 1944 laissés au Revier le 12 mai précédent. Acheminés de Pologne en Moldavie puis en Ukraine, ils sont embarqués à Odessa pour débarquer à Marseille vers la fin du mois de mars. Ces onze hommes sont les premiers à revoir la France.
Le 17 février, 2.500 déportés, dont une vingtaine de Tatoués, quittent Sachsenhausen pour Mauthausen, en une marche terrible. A l’arrivée ils ne sont plus que 1.700. Le camp de Mauthausen étant déjà surpeuplé, le commandant ordonne d’en sélectionner 400, que l’on place, nus, sur la place d’appel durant plusieurs heures à une température de – 8° c. La mort tardant à venir, on les passe sous une douche glacée avant de les exposer à nouveau au froid. Les derniers survivants sont achevés à la hache.
A Buchenwald, les Tatoués affectés au Grand Camp participent à la révolte du 8 avril. Ceux du Petit Camp et des Kommandos extérieurs sont embarqués dans les convois d’évacuation, véritables convois d’extermination.
Du 7 au 10 avril 1945, le petit camp et les kommandos sont évacués mais aussi une grande partie du grand camp. Sur 56000 détenus à Buchenwald début avril, il n’en restaient plus que 20000 à l’arrivée des américains le 11 avril.
Le 20 avril, 16.000 détenus de Flossenbürg sont répartis en quatre colonnes puis jetés sur les routes de Bavière. Retardataires et malades sont systématiquement abattus. Le 23 avril, les 6.000 survivants sont libérés par les Américains près de Cham, à 110 kilomètres du point de départ.
Un Tatoué, Victor Legouy, témoigne en ces termes :
« Nous suivions toute cette scène avec des visages transformés par le bonheur ; nous vivions un moment inoubliable dans un monde immatériel et irréel. Nos cerveaux étaient en feu et tout se brouillait. Il y a des sensations qu’on ne peut rendre par des mots parce qu’elles sont si complexes qu’il faut vraiment les avoir senties pour les comprendre. Et lorsque les premiers Américains arrivèrent, quelques minutes après, ce fut du délire ».
Le 13 avril, Kommando d’Ellrich (1.100 déportés dont 9 Tatoués) est parqué dans une grange à laquelle les SS mettent le feu. Les troupes américaines découvrent le charnier quelques heures plus tard.
Le 1er avril, les esclaves de Dora sont évacués vers Bergen-Belsen en une terrible « marche de la mort ». Le 15 avril, les Britanniques libèrent un camp surpeuplé de moribonds et de monceaux de cadavres.
Cependant, la tragédie ne s’achève pas toujours avec la libération. Nombreux sont ceux qui ne pourront pas survivre à la fin de l’épreuve. Minés par la dysenterie et le typhus, affaiblis à l’extrême par les fatigues et la malnutrition, brisés par les sévices endurés, ils meurent dans les infirmeries ou dans leurs baraques. Ceux qui peuvent revenir à Paris sont accueillis à la gare d’Orsay ou à l’hôtel Lutetia. Ils passent alors une visite médicale et subissent un interrogatoire avant d’aller retrouver les leurs, qui ne reconnaissent pas toujours les inconnus qu’ils sont devenus.
Léon Hoebeke (à gauche) est le co-fondateur de l’Amicale des Déportés Tatoués du 27 Avril 1944.