Les déportés tatoués à Auschwitz-Birkenau

« Le convoi du 27 avril 1944 n’est pas le premier convoi de Français non juifs à être envoyé à Auschwitz. »

Un convoi de 1.100 hommes parti de Compiègne le 8 juillet 1942 et un de 230 femmes, parti de Romainville le 27 janvier l’y avaient précédé. Le 30 avril, l’ouverture des 17 wagons s’accompagne d’un certain nombre d’exécutions sommaires. Ceux qui, devenus fous lors du transport ou gesticulent en s’éloignant du groupe sont abattus froidement. A la soixantaine de morts du transport viennent s’ajouter une dizaine d’hommes exécutés sur le ballast. Les malades soutenus par les valides, la colonne se forme, encadrée des sentinelles qui distribuent de nombreux coups de crosse. Après environ deux kilomètres de marche forcée sur un chemin caillouteux, les déportés entrent dans un camp dont le nom est indiqué sur un panneau : Auschwitz.

La porte de la Mort du camp d'Auschwitz-Birkenau (source : Amicale des déportés tatoués)
La porte de la Mort du camp d’Auschwitz-Birkenau (source : Amicale des déportés tatoués)

Après être passée devant la « porte de la Mort » (entrée principale), la colonne est conduite vers le camp « Canada ». Là, les déportés sont parqués entre 24 et 48 heures dans deux écuries, en attendant leur tatouage, comme si leur vocation était d’être affectés au camp pour y travailler.

Après le tatouage, les kapos polonais procèdent à une fouille complète (y compris les parties les plus intimes) des nouveaux arrivés. Suivent une séance de tonte, une douche (alternance d’eau bouillante et d’eau glacée), une désinfection (bain de crésyl) et la course vers le magasin d’habillement où sont distribués des oripeaux rayés.

Tatouage de Louis Denis
Tatouage de Louis Denis

La séance d’incorporation terminée, retour aux écuries, où est distribuée une soupe infecte : une gamelle sale, boueuse ou rouillée, sans cuillère pour dix ou quinze détenus. Les hommes sont entassés à 800 par baraque de quarantaine, réduits à l’immobilité, sans pouvoir s’allonger, sans couvertures ni paillasses. Ils y restent plusieurs jours. Leur bâtiment est voisin du four crématoire, d’où s’échappe une horrible odeur de chairs grillées. Quelques jours plus tard, ils sont transférés dans deux bâtiments de la division « familles tziganes ».

Le vendredi 12 mai, sans explications, les détenus sont rassemblés et conduits en colonne jusqu’au quai d’embarquement. Là, ils prennent place à 50 (seulement) dans des wagons, puis repartent vers l’ouest, en direction de Buchenwald, que le convoi atteint le dimanche 14. Ils laissent à Auschwitz 92 des leurs, morts ou malades.

Veste de déporté (source : Amicale déportés tatoués)
Veste de déporté (source : Amicale déportés tatoués)

Le mystère demeure, même si plusieurs tentatives d’explication ont été avancées. Les 77 détenus intransportables restés au Revier (infirmerie) de Birkenau alors que leurs camarades repartent vers Buchenwald connaissent des fortunes diverses :

  • 13 restent à Auschwitz jusqu’à leur libération (deux d’entre eux, Joseph Grimaldi et Jacques Zahm parviennent à s’évader le 11 janvier 1945 pour rejoindre les lignes soviétiques).
  • 26 décèdent à Auschwitz-Birkenau des suites de leur maladie. – 18 disparaissent sans laisser de traces. – 20 sont acheminés ultérieurement vers Buchenwald, Bergen-Belsen, Gross-Rosen et Sachsenhausen.